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Actions immobilières : un retour imminent ?

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Les actions immobilières ont été très appréciées pendant des années. Mais quand les taux ont augmenté, les investisseurs les ont vendues en masse. Une amélioration est-elle en vue ? Entretien avec Gert De Mesure, analyste indépendant spécialisé en actions immobilières.

Ces dernières années n’ont pas été très réjouissantes pour les détenteurs d’actions immobilières. À quoi est-ce dû ?

« Dans les années qui ont précédé la crise du coronavirus, l’immobilier était un secteur apprécié des investisseurs. Les grands investisseurs institutionnels surtout, comme les fonds de pension et les assureurs, achetaient volontiers de l’immobilier coté en bourse », commente Gert De Mesure. « Comme les taux étaient très bas, voire négatifs, les obligations ne rapportaient presque pas de rendement. En revanche, les actions immobilières génèrent traditionnellement des dividendes attrayants et relèvent d’un secteur plutôt défensif, ce qui en a fait une belle alternative pour les investisseurs à la recherche de revenus relativement stables. Une obligation avec un coupon annuel de 0,2 % ou une action immobilière avec un dividende de 4 % ? De nombreux investisseurs ont volontiers accepté le risque supplémentaire lié aux actions. »

« Mais avec les hausses de taux en 2022 et en 2023, la tendance a basculé. Les obligations et autres produits à revenu fixe ont fait un retour inédit. À titre de comparaison, dans les années 2010, il a fallu six ans et demi au taux à long terme pour tomber de 3 % à 0 %. Récemment, le taux à long terme a bondi de 0 % à 3 % en un an et demi à peine », souligne De Mesure. « Ce sont donc des hausses de taux d’une ampleur et d’une vitesse sans précédent. Dans ce contexte, les investisseurs institutionnels se sont rapidement défaits de leurs actions immobilières (plus risquées) au profit d’obligations ou d’autres placements à revenu fixe (moins risqués). »

« En outre, il ne faut évidemment pas oublier que les actions immobilières sont plus “des actions” que “de l’immobilier”. Sur le marché de l’immobilier, si vous pouvez acheter un immeuble à 40 % en dessous de la valeur estimée, vous sortez le champagne. Mais en bourse, la logique est toute autre. Les marchés d’actions sont beaucoup plus sensibles aux fluctuations des taux d’intérêt et réagissent à mille et un autres facteurs. D’ailleurs, il s’agit de sociétés immobilières, pas simplement de bâtiments : l’immobilier coté en bourse intègre les caractéristiques et les dynamiques du marché. Si demain, les cours s’effondrent de 30 %, les actions immobilières suivront probablement le mouvement, sans qu’il y ait nécessairement le moindre rapport avec les résultats des sociétés. »

Pourtant, les résultats des entreprises du secteur sont restés globalement positifs malgré la hausse des taux d’intérêt ?

« C’est exact. Alors que les cours ont fortement baissé, les résultats sont restés relativement bons. Les revenus locatifs ont été indexés et sont restés stables, à l’instar du taux d’occupation global. Et une grande partie des sociétés étaient couvertes contre la hausse des taux d’intérêt », confirme De Mesure. « Mais soudain, il y a eu cette concurrence du marché des obligations. Les ventes massives d’actions immobilières sont donc principalement dues à la hausse des taux à long terme. »

« Je dis principalement, parce qu’il y a encore une autre raison pour laquelle les investisseurs se sont mis à vendre ces actions. Le taux d’endettement élevé de certains acteurs de l’immobilier et leur capacité de remboursement ont de plus en plus posé question », explique De Mesure. « La dynamique est la suivante : en Belgique, la plupart des particuliers optent pour un taux d’intérêt fixe lorsqu’ils empruntent pour un achat immobilier. Mais dans d’autres pays et pour les transactions immobilières commerciales, les taux variables sont la norme. Pendant des années, les sociétés immobilières ont eu accès à des taux de financement bon marché, tout comme les particuliers. Ces taux faibles ont favorisé l’investissement dans de nouveaux projets. Or maintenant que les taux ont augmenté, les charges d’intérêts ont augmenté aussi. »

« Ce problème se pose clairement en Suède, par exemple : beaucoup de sociétés immobilières y sont en difficulté, car leurs charges d’intérêts ont soudainement grimpé en flèche », commente-t-il. « En Belgique, la plupart des acteurs du marché de l’immobilier se sont heureusement bien couverts contre les hausses de taux et y sont moins exposés. Il n’y a pas non plus de crise immobilière dans notre pays. Le taux de vacance est faible et les loyers augmentent. Tout au plus y a-t-il une crise de financement. »

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Gert De Mesure

Qu’est-ce qui pourrait renverser la tendance ?

« Il faut avant tout surveiller l’évolution des taux à long terme. Cela se reflète aussi très clairement dans les cours : quand les banques centrales évoquent la possibilité d’un abaissement des taux, les actions immobilières se portent (particulièrement) bien », remarque De Mesure. « Indépendamment des taux à long terme, il y a bien sûr aussi des facteurs spécifiques aux entreprises. Certaines seront plus vulnérables que d’autres. Mais je m’attends surtout à ce que les taux d’intérêt soient le facteur dominant de l’évolution des cours des actions immobilières pendant encore au moins un semestre. »

À l’heure actuelle, tout semble indiquer que les taux finiront par baisser, mais avec un certain retard. Est-il intéressant de se positionner dès aujourd’hui dans l’immobilier coté en bourse ?

« Oui, en un sens. Mais ne vous attendez pas à des miracles. Le taux directeur de la Banque centrale européenne se situe aujourd’hui à 4 % (avril 2024). Supposons qu’il soit porté à 3 % : c’est toujours bien plus qu’en 2019, quand nous comptions encore avec des taux négatifs (‑0,5 %). Si une action immobilière cotait à 40 euros en 2019 et se négocie actuellement à 25 euros, mieux vaut ne pas partir du principe que le cours remontera à 40 euros. Il y a un potentiel haussier, mais nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation tout à fait différente qu’à l’époque. En outre, vous devez tenir compte du fait que les sociétés immobilières qui sont couvertes contre les hausses de taux ne resteront pas couvertes éternellement. Tôt ou tard, elles devront aussi refinancer leurs dettes à un taux plus élevé. Et je le rappelle, n’oubliez pas que les actions immobilières sont en forte concurrence avec les obligations et les autres produits à revenu fixe. Au cours des dernières années, de nombreux investisseurs institutionnels se sont défaits de leurs actions immobilières et n’ont probablement pas l’intention d’y revenir de sitôt. »

Si l’on envisage d’investir, mieux vaut se montrer sélectif ?

« Oui. Prenons par exemple l’action Cofinimmo. Elle génère actuellement un dividende net de 7,5 %. Ce n’est pas rien. Avec un taux d’occupation de 98,5 % et des revenus prévisibles, le titre semble solide, tout en ayant perdu 50 % de sa valorisation d’il y a trois ans. En tant qu’investisseur, vous pouvez vous poser la question : que risquez-vous si vous savez que les résultats resteront probablement stables, que le risque semble modéré et que le dividende est attrayant ? En revanche, quand on voit qu’une poignée d’entreprises américaines dominent une grande partie des indices boursiers, le risque (de concentration) me paraît plus important. Les actions immobilières ont donc certainement leur place dans un portefeuille diversifié. »

Y a-t-il des segments ou des régions qui semblent attrayants ?

« Il est permis d’être un peu chauviniste : les actions immobilières belges sont attrayantes. Elles sont actuellement faiblement valorisées alors qu’historiquement, ces actions sont toujours plus chères que leurs homologues européennes du fait de leur croissance robuste. Maintenant que cette prime a en partie disparu, il peut être intéressant d’envisager de les intégrer à son portefeuille. »

« Au niveau des segments, l’immobilier logistique, l’immobilier des soins de santé et l’immobilier commercial sont particulièrement attrayants. L’immobilier logistique, parce que les revenus locatifs augmentent depuis plusieurs années ; par le passé, ces revenus n’évoluaient qu’avec l’inflation et les bailleurs étaient parfois même prêts à les geler. Actuellement, l’immobilier commercial est le plus faiblement valorisé, en raison des préoccupations relatives au commerce en ligne. Pourtant, il résiste plutôt bien et les investissements peuvent être répercutés. Du fait de quelques faillites et irrégularités chez certains acteurs de l’immobilier des soins de santé, le marché reste encore sur ses gardes par rapport à ce secteur. Mais l’on peut noter que l’impact sur les revenus locatifs est resté limité. Ainsi, sa faible valorisation représente aussi un certain potentiel. »

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