Que faire des mes investissements en cas de récession ?
Keytrade Bank
keytradebank.be
30 juin 2023
5 minutes à lire
Tout comme les saisons qui se suivent et ne se ressemblent pas, l’économie passe également par différentes phases. Parfois, les arbres poussent jusqu’à toucher le ciel. Parfois, l’économie semble hiberner. Et parfois, on entend gronder les tronçonneuses à travers la forêt. L’économie, comme les saisons, traverse différents cycles, avec des hauts et des bas, des moments de croissance et d’essoufflement.
Lorsque l’économie se porte mal, il n’est pas pour autant toujours question de récession. Dans la zone euro, on ne parle de récession que si on observe une contraction du produit intérieur brut (PIB) pendant au moins deux trimestres consécutifs. Le PIB représente la production économique totale d’un pays, mesurée sur une période donnée. Il comprend la valeur ajoutée de tous les biens et services produits sur le territoire national et constitue un indicateur crucial de la santé économique d’un pays. Tant au dernier trimestre 2022 qu’au premier trimestre 2023, le PIB de la zone euro s’est contracté de -0,1 %. Bien que la contraction soit très limitée, nous étions donc entrés en récession.
Bien qu’on parle dans la zone euro de récession si le PIB se contracte pendant au moins deux trimestres consécutifs, il ne s’agit pas ici d’une définition universelle. Les États-Unis, par exemple, voient les choses différemment. C’est un organisme public (National Bureau of Economic Research) qui y détermine les conditions dans lesquelles on peut parler de récession. Cet organisme examine non seulement le PIB, mais aussi d’autres aspects tels que l’emploi, les dépenses et les investissements, la production, etc. Ce n’est que si ces indicateurs diminuent également sur une plus longue période que l’on peut parler de récession. La Banque mondiale a elle aussi sa propre définition.
Et lorsqu’une récession est particulièrement sévère, on parle alors de dépression. Il s’agit d’une baisse sévère et prolongée de l’activité économique. La différence réside dans la durée et la profondeur du recul économique. En général, un déclin économique est considéré comme une dépression si le PIB diminue de plus de 10 % en un an ou si la récession dure plus de deux ans.
Qu’est-ce qui cause une récession ?
Alors que nous pouvons diviser les saisons en quatre blocs de trois mois, ce n’est pas du tout pareil pour les cycles économiques. Les périodes de croissance et de contraction peuvent se succéder rapidement ou durer plus longtemps. Le timing et la durée de ces cycles sont influencés par une série de facteurs, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’économie. Les politiques des banques centrales, les évolutions démographiques, les guerres et autres poudrières géopolitiques, l’évolution des lois et des règles fiscales, les innovations technologiques, le changement climatique et les catastrophes naturelles, le marché immobilier, la confiance des entreprises et des consommateurs... autant d’éléments qui contribuent à la croissance économique. Il existe également des cygnes noirs susceptibles d’influencer les cycles : des événements inattendus avec des conséquences potentiellement importantes. Imaginez par exemple que nous parvenions demain à créer une pilule pour vivre éternellement ?
Il existe donc 1001 manières de déclencher (ou de reporter) une récession. Généralement, il n’est pas simple d’en indiquer une cause unique. Plusieurs années peuvent également s’écouler entre la cause proprement dite et la récession finale. Par exemple, il existe une théorie populaire qui relie les attentats du 11 septembre 2001 à la crise financière et à la récession qui en a découlé en 2008-2009. En raison d’une cascade de décisions prises pour stimuler l’économie américaine après les attentats, le système financier est devenu de plus en plus risqué. Cela a finalement entraîné la surchauffe du marché immobilier qui s’est effondré et a ainsi déclenché la crise financière de 2008.
Comme nous le voyons actuellement dans différents pays, une récession peut également être provoquée après une période d’inflation. Lorsque l’inflation augmente, les banques centrales relèvent les taux d’intérêt pour freiner l’économie dans le but de réduire l’inflation. Avec des taux d’intérêt plus élevés, le risque d’une récession augmente : il devient plus difficile d’emprunter de l’argent, les entreprises et les consommateurs gardent la main sur leur portefeuille, et l’on en connaît les conséquences.
À quelle vitesse les récessions se propagent-elles ?
À quelques exceptions près – comme la Grande Dépression dans les années 1930 –, les récessions de ces dernières décennies ont généralement été de courte durée. Les données de la Banque mondiale indiquent que, depuis 1960, nous avons assisté à cinq récessions mondiales dont la longueur variait d’un trimestre (2020) à environ un an (1975, 1982, 1991 et 2009). Depuis la Seconde Guerre mondiale, les récessions aux États-Unis – la plus grande économie au monde – durent en moyenne environ 10 mois.
Les récessions sont-elles une mauvaise chose ?
Tout d’abord, il faut savoir que l’économie connaît à long terme une croissance bien plus importante que sa contraction. Quel que soit votre pays ou votre graphique, la tendance est clairement à la hausse. De l’Albanie à la Zambie, difficile de trouver un pays dont l’économie est plus mauvaise aujourd’hui qu’il y a un siècle ou un demi-siècle. Bien que les récessions puissent être très douloureuses (perte d’emplois, fermetures d’entreprises, stress...), il ne faut pas oublier que la situation est positive à long terme.
Cela peut sembler très cynique pour les personnes qui perdent leur emploi ou qui sont confrontées à d’autres difficultés, mais les récessions sont un phénomène « normal ». Elles poussent les entreprises inefficaces et chroniquement déficitaires vers la sortie et permettent aux entreprises nouvelles et innovantes de se développer et de s’établir. Les récessions aident également à refroidir les marchés en surchauffe et à faire éclater les bulles économiques. On peut donc considérer une récession comme un grand nettoyage de printemps pour l’économie : une récession peut faire de nombreux dégâts, mais elle laisse également de la place à une nouvelle croissance. Chaque récession est suivie d’une période d’expansion.
Les récessions impactent-elles les investissements ?
Chaque récession est unique et donc son influence sur les marchés aussi. Il n’existe pas de manuel fiable pour les investisseurs. Cependant, il peut être utile de comprendre comment les différentes classes d’actifs se sont comportées lors des précédentes récessions. Bien que cela n’offre donc aucune garantie pour l’avenir, ces informations historiques peuvent aider à prendre des décisions éclairées.
Pendant une période d’agitation économique, les investisseurs recherchent souvent une protection en réduisant leurs positions en actions et en optant pour les obligations. D’un point de vue historique, ce choix s’est avéré judicieux : les obligations surperforment les actions pendant les récessions. Une étude de Schroders montre que les obligations ont généré un rendement d’environ 10 % pendant les récessions, tandis que les actions ont perdu en moyenne plus de 10 % (période de 1970 à 2023).
Gardez toutefois à l’esprit que l’univers obligataire est très vaste et varié et que toutes les obligations n’affichent pas les mêmes performances pendant les récessions. Les obligations d’entreprises Investment Grade et les obligations d’État telles que les US Treasuries ont historiquement généré des rendements plus élevés pendant les récessions que les obligations d’entreprises High Yield. Même pour les actions, la situation n’est pas toute noire ou toute blanche. Pendant les récessions, toutes les actions n’entrent pas dans la tourmente. Les actions d’entreprises qui fournissent des biens et services essentiels (pensez à l’alimentation, aux soins de santé et à l’électricité) ont relativement bien performé par rapport aux autres catégories d’actions pendant les récessions.
Est-ce que j’adapte mon portefeuille en cas de récession ?
À première vue, la réponse semble simple : il vaut peut-être mieux investir en obligations qu’en actions pendant les récessions. Mais cela peut potentiellement rapporter beaucoup plus si vous... ne faites rien du tout !
Il y a quelques raisons pour lesquelles il vaut mieux s’en tenir à votre stratégie d’investissement et ne pas échanger massivement vos actions contre des obligations, récession ou non :
- Les récessions sont difficiles à prévoir : bien qu’il y ait de nombreux indicateurs et de modèles économiques, il est toujours impossible de prédire avec certitude si une récession se produira, à quel moment elle surviendra et l’ampleur qu’elle aura. Bien que certains indicateurs comme l’inversion de la courbe des taux aux États-Unis (d’un point de vue historique, si le taux des obligations d’État américaines à 2 ans est supérieur au taux d’intérêt à 10 ans pour une période déterminée, une récession dans les 8-19 mois suit systématiquement) ont constitué dans le passé un indicateur fiable pour les récessions, cela ne constitue pas une garantie pour l’avenir.
- Le market timing n’est pas facile : même si vous pensez qu’un creux se profile à l’horizon, vous devez toujours choisir le bon moment pour sortir du marché et y revenir. Il est extrêmement difficile de le faire de manière cohérente. Même les investisseurs professionnels y parviennent rarement.
- Coûts liés à la négociation : si vous modifiez votre stratégie d’investissement en agissant activement en réponse aux conditions économiques attendues, vous encourrez probablement des coûts de transaction plus élevés. Ces frais peuvent augmenter et votre rendement, diminuer.
- Manque de reprise : historiquement, le tournant sur les marchés d’actions est amorcé à peu près à mi-chemin de la récession. Les marchés d’actions repartent donc généralement à la hausse au milieu de la récession. Cependant, personne ne peut prédire quand nous atteindrons ce point. Si vous n’avez pas investi en actions au moment où cela se produit, vous pouvez manquer quelques-uns des meilleurs jours du marché. Rater ces jours cruciaux peut avoir un impact négatif considérable sur votre rendement total.
- Les marchés haussiers durent plus longtemps que les marchés baissiers. Les marchés haussiers (périodes de hausse des marchés des actions) durent historiquement plus longtemps que les marchés baissiers (périodes de baisse des marchés des actions) : pour le S&P 500, il s’agit de 6,6 ans contre 1,3 an. Le bénéfice cumulé moyen au cours d’un marché haussier s’élève à +339 %. La perte cumulée moyenne au cours d’un marché baissier s’élève à -38 %. À long terme, il peut s’avérer payant de ne rien faire et d’avaler la pilule.
Ne rien faire ne signifie pas qu’il ne faut pas être préparé. Que pouvez-vous faire pour rendre la traversée plus confortable ?
- Diversifiez : un portefeuille largement diversifié entre différentes classes d’actifs et différentes géographies peut aider à répartir le risque et à limiter les pertes potentielles pendant une récession.
- Investissez périodiquement : en investissant un montant fixe tous les mois ou tous les trois mois, vous investissez alors à différents points du cycle. L’idée de l’investissement périodique est de répartir les risques car elle réduit le risque que vous investissiez tout votre argent au « mauvais » moment.
- Investissez dans la qualité : des entreprises de qualité dotées de bilans solides et d’une expérience éprouvée sont souvent plus résistantes aux conséquences d’une récession. Elles pourraient également se rétablir plus rapidement si l’économie renoue avec la croissance.
- Équipez éventuellement votre portefeuille d’un mécanisme de sécurité. Par exemple, en investissant une très petite partie de votre patrimoine dans des instruments dérivés, comme des options put. Les options put vous permettent d’acheter le droit de vendre des actions à un prix fixé à l’avance, quel que soit le prix actuel du marché. Cela signifie que si le marché baisse, vous pouvez toujours vendre vos actions au prix supérieur, ce qui limite vos pertes. Gardez toutefois à l’esprit que ce type d’instruments est complexe et risqué. Vous ne devez les envisager que si vous comprenez parfaitement leur fonctionnement et leurs risques. L’utilisation d’options put ne garantit pas que vous ne subirez pas de pertes mais elle peut aider à les limiter dans une certaine mesure.
- Restez calme : il est important de ne pas paniquer et de ne pas prendre de décisions impulsives. Si vous avez déjà un portefeuille diversifié et si vous investissez pour le long terme (plus de 5 ans), il suffit souvent de faire preuve de patience et de discipline. Investir est un marathon, pas un sprint. Il est important de maintenir votre stratégie tout au long du cycle économique, y compris pendant les récessions.
- Envisagez d’acheter : les récessions sont aussi synonymes d’opportunités. Si vous disposez d’une réserve de liquidités suffisante et que votre appétence au risque le permet, il peut être intéressant d’acheter des liquidités supplémentaires pendant une récession. Il peut donc être judicieux de garder un peu de liquidités sous la main.
- Si vous paniquez malgré tout, cela peut être un signe que la composition de votre portefeuille ne correspond pas à votre tolérance au risque. Votre sommeil est peut-être le meilleur baromètre à cet égard. Si vos investissements vous préoccupent, il peut être judicieux d’adapter votre stratégie et votre portefeuille d’investissement afin que vous puissiez continuer à investir en toute sérénité en toutes saisons économiques