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La Chine peut-elle mettre le dollar au tapis ?

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Avec une dette publique de plus de 27 000 milliards de dollars, le gouvernement américain est le premier débiteur au monde. À l’instar d’autres pays, les États-Unis financent leur dette en vendant des titres, comme des obligations d’État. Les acheteurs prêtent donc des fonds à l’État américain, qui doit les rembourser au terme d’une période convenue. En outre, les créanciers perçoivent des intérêts sur le montant prêté.

Quelque 7 000 milliards de dollars de titres de la dette américaine sont aux mains de gouvernements étrangers. Fin 2020, le Japon (1 251 milliards USD) et la Chine (1 072 milliards USD) étaient ses principaux créanciers étrangers. Mais l’État belge aussi compte des obligations américaines dans ses réserves (nous figurons même dans le top 10 des créanciers !).

Exportations et pétrole

Pourquoi la Chine en particulier a-t-elle acheté autant d’obligations d’État américaines ces deux dernières décennies ? La raison est assez simple. Depuis des décennies, la balance commerciale des États-Unis est déficitaire. Cela signifie que le pays dépense plus en biens et en services importés qu’il ne génère de revenus en exportations. Et c’est particulièrement vrai pour la balance commerciale des États-Unis vis-à-vis de la Chine, qui est le plus grand exportateur au monde. L’État chinois reçoit des dollars d’entreprises chinoises, qui les perçoivent comme paiement pour leurs exportations. Ensuite, les autorités chinoises achètent notamment des obligations d’État américaines.

Une deuxième raison pour laquelle la Chine a une position si importante en dollars tient au commerce pétrolier. Dans le monde entier, la part du lion des transactions pétrolières est réglée en dollars américains. Or la Chine est la deuxième économie au monde. Elle a donc besoin d’importantes réserves de dollar pour pouvoir acheter du pétrole.

Ralentissement en vue

Ces dernières années, la Chine a pris des mesures pour réduire quelque peu son exposition aux obligations américaines. Alors qu’en 2013, la Chine détenait plus de 1 300 milliards USD en obligations d’État américaines, elle n’en a aujourd’hui « plus que » 1 050 à 1 100 milliards USD. En même temps, la Chine tente de se défaire des pétrodollars en cassant la mainmise de l’USD sur le marché pétrolier. Comment ? Bien que ce soit encore très limité, en concluant des contrats pétroliers dans sa propre devise. Des futures pétroliers en yuan se négocient déjà sur la bourse de Shanghai.

Statut de la relation : c’est compliqué

La Chine et le dollar américain entretiennent une relation amour-haine. Haine, parce que la Chine veut que le yuan devienne une devise véritablement internationale et préfère acheter du pétrole en yuan qu’en dollar. Amour, parce que les obligations d’État américaines soutiennent la croissance de l’économie chinoise. En effet, la demande d’obligations d’État en USD fait augmenter la valeur du dollar par rapport au yuan. Par conséquent, les produits d’exportation chinois reviennent moins chers que les produits « Made in U.S.A. », ce qui stimule l’écoulement des produits chinois.

Réciproquement, le fait que la Chine détienne une telle montagne d’obligations d’État américaines est avantageux pour les États-Unis. La demande chinoise d’obligations d’État contribue à la faiblesse des taux d’intérêt aux États-Unis. De ce fait, les autorités américaines peuvent emprunter davantage à des taux inférieurs. Cela leur permet d’augmenter les dépenses fédérales, ce qui stimule la croissance économique.

Que se passerait-il si… ?

La position de la Chine en tant que « banquier des États-Unis » lui confère une force de frappe politique et économique, comme nous l’avons vu au plus fort des frictions commerciales entre la Chine et les États-Unis sous l’administration Trump. En avril 2020, les Républicains à la Maison-Blanche ont suggéré qu’ils pourraient bien ne jamais rembourser les quelque 1 000 milliards de dettes à la Chine. En réponse, la Chine a menacé de revendre d’un seul coup toutes ses obligations américaines. Heureusement, les deux parties s’en sont tenues à rouler des mécaniques et à proférer des menaces.

Mais l’incident a donné matière à réflexion : que se passerait-il si la Chine réclamait l’entièreté de la dette et inondait le marché d’obligations d’État américaines ? Cela ferait augmenter les taux d’intérêt et les prix aux États-Unis, ce qui freinerait sa croissance économique. Selon certains économistes, il en résulterait un repli de la demande pour le dollar et les marchés internationaux seraient encore plus impactés que pendant la crise financière de 2008. Cependant, l’ensemble de l’économie mondiale en subirait les répercussions – et donc aussi la Chine. Le dumping des obligations est donc une arme à disposition de la Chine, mais elle se tirerait une balle dans le pied. Par conséquent, la probabilité que la Chine déclenche cette option nucléaire semble assez réduite.

Lentement mais sûrement ?

En outre, plusieurs économistes affirment que d’autres pays ne demanderaient pas mieux que de racheter rapidement les obligations cédées par la Chine. En général, les titres de créance américains sont un actif recherché : ils sont relativement sûrs et faciles à négocier. En tant que devise de réserve, le dollar américain est utilisé à grande échelle pour les transactions internationales. Les marchandises sont souvent valorisées en dollar et la forte demande permet de convertir facilement la devise. En outre, le gouvernement américain a toujours remboursé ses dettes.

Si la Chine venait à exiger d’être remboursée, elle commencerait lentement à vendre des obligations d’État américaines. Elle devrait cependant procéder avec une grande prudence, sous peine de nuire à la compétitivité chinoise en faisant grimper le yuan par rapport au dollar. À un certain niveau de prix, les consommateurs américains préféreraient alors acheter des produits américains. La Chine ne pourrait s’engager dans ce processus qu’après avoir augmenté ses exportations vers d’autres pays d’Asie et fait croître davantage la demande intérieure. Affaire à suivre, sans aucun doute !

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