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Les compagnies de croisière ont le vent en poupe : est-ce également le cas en bourse ?

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Lorsque les bateaux de croisière erraient comme des navires fantômes pendant des mois en 2020, certains prédisaient l’extinction du secteur. Mais aujourd’hui, à peine cinq ans plus tard, ces mêmes compagnies accueillent plus de passagers à bord que jamais. Comment les entreprises qui ont perdu jusqu’à 80 % de leur valeur boursière ont-elles pu sortir la tête de l’eau ? Plus important encore, est-ce le moment d’embarquer ? Penchons-nous sur les chiffres, les opportunités et les risques.

Au cours des 50 dernières années, les navires de croisière ont subi une véritable métamorphose. Alors qu’auparavant, les croisières étaient réservées aux riches pensionnés arborant une casquette de capitaine, elles sont aujourd’hui accessibles à un public beaucoup plus élargi et attirent les vacanciers de tous âges. Les années 70 et 80 ont été un véritable tournant pour le secteur, lorsque la série télévisée The Love Boat (« La croisière s’amuse ») a apporté le glamour des croisières dans le salon des particuliers. D’un jour à l’autre, Monsieur Tout-le-Monde a aussi commencé à rêver de partir en croisière.

En 1980, la première année où les données de l’Association internationale des compagnies de croisières (CLIA) ont été publiées, 1,4 million de passagers ont embarqué pour une croisière. Ce nombre a déjà commencé à augmenter après le succès retentissant de la série The Love Boat. À l’heure actuelle, plus de 30 millions de passagers embarquent chaque année à bord de gigantesques bateaux de la taille d’immeubles d’appartements équipés de parcs aquatiques, de centres commerciaux et même de montagnes russes. Certaines compagnies maritimes possèdent même leurs propres îles tropicales pour offrir aux voyageurs un coin de paradis privé.

Un coin de paradis (fiscal) sur terre

L’expérience paradisiaque n’est pas réservée aux clients. Les compagnies de croisière bénéficient également de leur propre paradis (fiscal) sur terre : elles naviguent souvent souspavillon étranger, et grâce à l’optimisation fiscale, elles reversent étonnamment peu d’argent au Trésor public. Grâce à l’utilisation de main-d’œuvre provenant principalement de pays à bas salaires, les coûts de personnel restent aussi extrêmement faibles.

Ces dernières années, le secteur jouit également d’une image plus écologique : les immenses hôtels flottants étaient connus comme étant les rois de la pollution qui brûlaient des tonnes de fioul lourd. Mais là aussi, un vent nouveau souffle sur le secteur : les nouveaux navires consomment beaucoup moins et sont plus écologiques. Certains naviguent au GNL au lieu du diesel et disposent de systèmes avancés de traitement de l’eau à bord.

La reprise après la tempête : le secteur post-covid

Pourtant, ces 50 dernières années n’ont pas été de tout repos. La tempête de Covid de 2020 a même presque fait chavirer le secteur des croisières. Les bateaux de croisière étaient à l’arrêt pendant des mois entiers. Ils sont devenus des hôtels fantômes flottants sans passagers. Les trois grandes compagnies maritimes – Carnival, Royal Caribbean et Norwegian – ont dû emprunter des milliards et émettre des actions supplémentaires pour ne pas couler. Les investisseurs ont redouté le pire et se sont rapidement débarrassés de leurs actions (en 2020, les actions de croisière ont chuté à -80 % de leur valeur). Mais depuis son redémarrage en 2021, le secteur a renversé la vapeur de manière spectaculaire : les croisières sont plus populaires que jamais et les entreprises se redressent financièrement.

Les réservations dépassent toutes les attentes

Généralement, la période de réservation privilégiée pour les croisières s’étend de Noël à mars. Cette année (hiver 2024-2025), la saison a démarré sur les chapeaux de roue. Les compagnies maritimes ont enregistré un record historique de réservations. Selon les chiffres publiés dans le Wall Street Journal, les réservations de voyages en 2025 étaient déjà 10 à 15 % supérieures à la normale vers décembre. Ce chiffre est remarquable, car la capacité de croisière (le nombre de lits disponibles) n’a augmenté que d’environ 5 %. Autrement dit, les navires se remplissent plus vite qu’auparavant. De plus, les clients réservent plus longtemps à l’avance, ce qui signifie que les compagnies maritimes peuvent se permettre d’accorder moins de réductions de dernière minute. Plutôt que de réduire les prix pour remplir les cabines, les compagnies préfèrent chouchouter leurs clients avec des bonus, comme des forfaits boissons, des dîners spéciaux ou des crédits à bord. Tous ces éléments permettent de renforcer le pouvoir de fixation des prix du secteur.

Restauration des marges

À présent que les navires se remplissent à nouveau et que les clients paient même des suppléments à l’avance (par exemple pour des excursions ou des formules de boissons dès la réservation), les compagnies ont déjà beaucoup d’argent à leur disposition avant même que le navire ne quitte le port. À titre d’exemple, Carnival a annoncé un montant record de 6,8 milliards de dollars d’acomptes de clients à la fin du T3 2024, soit 40 % de plus qu’il y a cinq ans, peu avant que le secteur ne soit plombé par le coronavirus. Ces prévisions de chiffre d’affaires garanti offrent aux compagnies maritimes une confortable réserve financière. En 2024, les trois plus grandes compagnies de croisière ont généré ensemble plus de 4 milliards de dollars de flux de trésorerie disponibles. Ces liquidités sont plus que bienvenues pour réduire les dettes liées au coronavirus. En 2023, Carnival a par exemple été en mesure de rembourser6 milliards de dollars d’endettement, et Royal Caribbean est même revenu à une notation de crédit investment grade. Les pires cauchemars financiers semblent faire partie du passé.

Perspectives

Les compagnies maritimes investissent à nouveau dans l’avenir : une flotte de nouveaux navires géants a été commandée, alors que Royal Caribbean a inauguré le plus grand navire de l’histoire l’année dernière (Icon of the Seas pouvant accueillir plus de 7000 passagers). Le géant du divertissement Disney va également étendre sa flotte de navires de croisière. Cette augmentation de capacité prendra toutefois du temps : la construction de navires de croisière prend des années. Autrement dit, la situation actuelle du marché reste favorable : forte demande, nouvelle offre limitée. Ces éléments jouent en faveur des taux d’occupation et des prix des billets. Même si l’économie venait à ralentir, les analystes estiment que le secteur est capable de poursuivre son rythme de croisière. D’un point de vue historique, le secteur a fait preuve d’une résilience remarquable : pendant la crise financière de 2008, la plupart des compagnies de croisière sont restées rentables, malgré des réductions importantes et un effondrement des cours boursiers.

Analyse détaillée des trois grands acteurs

Le secteur des croisières est dominé par une poignée de grands groupes. Nous examinons en profondeur les trois plus grandes compagnies de croisière cotées en bourse.

1. Carnival Corporation & plc (CCL)

Profil : Carnival est le plus grand groupe de croisières au monde, avec une flotte de plus de 90 navires répartis sur neuf marques. L’entreprise américaine (avec une double cotation aux États-Unis et à Londres) regroupe des compagnies de croisière connues telles que Carnival Cruise Line, Princess Cruises, Holland America Line, Costa Cruises et Cunard. Carnaval est principalement actif sur le segment grand public : des croisières de loisir abordables pour couples, familles et groupes d’amis. Ce sont de grands bateaux remplis d’activités amusantes, de piscines et de restaurants avec buffet. Ces véritables « villes flottantes de divertissement » ont permis à Carnival de se forger un nom dans le secteur. Sur le plan géographique, Carnival est très diversifié : il occupe des positions de leader de marché en Amérique du Nord et en Europe, et navigue dans le monde entier.

Cours : L’action Carnival a subi de lourdes pertes en 2020 et n’est toujours pas revenue à son niveau d’avant la pandémie. Fin 2019, le cours évoluait autour de 50USD . Il oscille actuellement autour de 19USD (situation au 31 mars 2025). Pourtant, le rebond a été considérable : en 2023, le cours a grimpé de 130 % et en 2024 de 34 %. Les investisseurs tablent sur une reprise progressive de la rentabilité.

Carnival a enregistré un chiffre d’affaires record de 25 milliards de dollars en 2024, dépassant largement le niveau d’avant la pandémie. La priorité est maintenant de continuer à réduire la montagne de dettes qui s’est constituée pendant le coronavirus. L’endettement net de 26 milliards USD reste élevé (environ 4 à 5 fois l’EBITDA annuel).

Valorisation : Après le rallye des deux dernières années, Carnival semble malgré tout encore valorisé correctement. Le rapport cours/bénéfice pour les 12 prochains mois (Forward P/E) s’élève à 10,8 (situation au 31 mars 2025).

2. Royal Caribbean Group (RCL)

Profil : Royal Caribbean est le deuxième plus grand opérateur de croisière au monde, mais il affiche une valeur boursière plus de deux fois supérieure à celle de Carnival. Le groupe (coté à New York) est connu pour ses gigantesques bateaux innovants et son offre un peu plus premium. Royal Caribbean Group est réparti sur trois branches principales : Royal Caribbean International (la plus grande activité, avec des navires géants emblématiques comme la classe Oasis et le nouveau Icon of the Seas), Celebrity Cruises (croisières premium) et Silversea (croisières d’expédition très luxueuses). Au total, le groupe exploite une flotte mondiale d’environ 60+ navires, qui dessert tous les continents. L’entreprise jouit d’une réputation d’innovatrice dans le secteur et attire de nombreuses familles et jeunes adultes avec ses navires proposant de nombreuses activités.

Cours : Royal Caribbean a affiché une résilience étonnamment solide après la crise du coronavirus. Bien que RCL ait également dû emprunter des sommes colossales en 2020-2021, l’entreprise a retrouvé sa rentabilité plus rapidement que ses concurrents. En 2022-2023, RCL a lancé quelques nouveaux navires qui ont tout de suite joui d’un succès phénoménal et qui ont permis d’atteindre des chiffres d’affaires record. L’action RCL a donc fortement rebondi : elle est passée de 20USD au printemps 2020 à environ 205USD (situation au 31 mars 2025). L’euphorie a été un peu tempérée ces derniers mois par les inquiétudes économiques générales, mais RCL reste le meilleur élève de la classe des compagnies de croisière. D’un point de vue financier, le groupe sort du lot : le ratio d’endettement a baissé et la dette de RCL a récemment récupéré sa notation Investment Grade. Royal Caribbean a également recommencé à verser des dividendes, adoptant ainsi un rôle de précurseur parmi les grandes compagnies de croisière post-covid.

Valorisation : Royal Caribbean affiche actuellement la valorisation la plus élevée parmi les trois grandes actions de croisière, mais les investisseurs paient pour la qualité. Le rapport cours/bénéfice pour les 12 prochains mois (Forward P/E) s’élève à 13,9 (situation au 31 mars 2025).

3. Norwegian Cruise Line Holdings (NCLH)

Profil : Norwegian Cruise Line Holdings est le numéro trois du secteur. L’entreprise de Miami regroupe trois marques de croisières : Norwegian Cruise Line (la marque principale, avec des navires de taille moyenne à grande et une formule informelle Freestyle Cruising), Oceania Cruises (navires de taille moyenne haut de gamme, touche culinaire supplémentaire) et Regent Seven Seas Cruises (croisières all-in très luxueuses). Au total, le groupe possède une flotte de plus de 30 navires. La position de Norwegian est un peu plus petite que celle de Carnival et RCL, et il est actif sur plusieurs segments de marché : du grand public au très haut de gamme.

Cours : L’action Norwegian s’est le moins redressée par rapport à ses concurrents. Avant la pandémie, NCLH évoluait aux alentours de 55-60USD . Actuellement, l’action affiche un prix légèrement inférieur à 20USD . Ce niveau est plus de deux fois plus faible que sa valeur antérieure (situation au 31 mars 2025). Durant la crise du Covid, Norwegian a également eu la vie dure, notamment parce qu’en tant qu’acteur plus petit, il disposait d’une réserve financière moins importante. Le cours a chuté en dessous de 10USD en 2020 et, bien que 2023 ait été une belle année de reprise (+64 % de hausse du cours), la confiance reste fragile. Les investisseurs s’inquiètent de l’endettement élevé et de la fragilité du bilan de Norwegian. Fin 2024, la dette totale s’élevait à environ 13 milliards USD, pour des fonds propres de seulement 1,4 milliard USD. Ces chiffres se traduisent par un ratio dette/capitaux propres de près de 10:1. Le point positif est que Norwegian a retrouvé sa rentabilité en 2024 et a réalisé un chiffre d’affaires record de 9,5 milliards USD.

Valorisation : Norwegian affiche les multiples de valorisation les plus faibles des trois grands acteurs. Le rapport cours/bénéfice pour les 12 prochains mois (Forward P/E) s’élève à 9,2 (situation au 31 mars 2025).

Comment investir dans des compagnies de croisière ?

Ceux qui croient en l’avenir du secteur des croisières peuvent y investir de différentes manières. Il existe deux approches générales : acheter directement des actions de compagnies maritimes individuelles ou investir indirectement via un tracker sectoriel ou un fonds.

  • Actions individuelles : Vous pouvez choisir d’acheter une ou plusieurs actions de croisière spécifiques. L’avantage est un rendement potentiellement plus élevé si vous misez sur la meilleure entreprise. Vous disposez également d’un droit de vote direct en tant qu’actionnaire et, comme mentionné ci-dessus, vous pouvez bénéficier d’avantages intéressants. L’inconvénient est que vous adoptez une position très concentrée.
  • ETF sectoriel ou fonds : Si vous souhaitez diversifier les risques, vous pouvez investir dans un fonds lié au tourisme ou aux loisirs plus élargi qui comprend des compagnies de croisière. Il existe désormais des ETF qui se concentrent sur le secteur des voyages et des loisirs, ou plus spécifiquement sur les entreprises « Travel & Leisure ». Outre les croisières, vous pouvez souvent y retrouver des chaînes d’hôtels, des parcs d’attractions, des plateformes de réservation, des compagnies aériennes, etc. Avec un tel tracker, vous investissez en un coup indirectement dans un panier d’actions du secteur. Une baisse de cours d’une compagnie maritime individuelle vous affectera alors beaucoup moins. Le rendement potentiel est plus moyen (vous ne misez pas que sur les champions de la classe, mais vous limitez également les risques de baisse importante).

Quelle que soit l’approche que vous privilégiez, n’oubliez pas que les croisières restent un secteur de consommation cyclique. Il est rarement judicieux de concentrer tout votre argent dans un seul secteur. La diversification entre plusieurs secteurs et régions est une stratégie plus saine. Si vous êtes convaincu(e) de l’avenir radieux du secteur des croisières, vous pouvez envisager de vous constituer une position, éventuellement échelonnée dans le temps (par exemple, des achats progressifs pour étaler le risque de timing). Vous évitez ainsi de faire un all-in juste avant une tempête à venir.

Avant d’investir, consultez les caractéristiques et risques principaux des instruments financiers.

Conclusion : les actions de croisière méritent-elles un investissement ?

Le secteur des croisières est en train de réaliser un retour fulgurant. Après avoir traversé des tempêtes sans précédent, les compagnies ont quitté les eaux troubles pour retrouver des eaux plus calmes avec des navires complets et des marges en amélioration. Les fondamentaux semblent solides : la demande de croisières augmente, les prix restent compétitifs et les grands acteurs génèrent à nouveau des flux de trésorerie élevés.

La prudence est toutefois de mise. Les vigoureux rallyes de l’année dernière ont déjà intégré la majorité des bonnes nouvelles dans les cours. L’achat d’une action de croisière n’est pas un aller simple vers la lune : le secteur reste soumis à des vagues macroéconomiques et à des risques spécifiques. Les dettes élevées de la période Covid rappellent que ces entreprises peuvent être vulnérables en cas de vents contraires. Une récession ou une baisse de la confiance des consommateurs pourrait encore mettre les réservations sous pression (les croisières restent finalement des services de luxe). De plus, deux des trois leaders du marché affichent encore un cours boursier largement inférieur à celui d’avant la pandémie. Ce signe montre que les investisseurs continuent de s’inquiéter des dettes colossales. En résumé, le secteur a de nouveau le vent en poupe, mais n’est pas à l’abri des vents contraires.

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